Prendre soin des personnes accueillies dans nos établissements
Progression dans le chapitre
Fleuron de la Croix-Rouge française, le centre hospitalier des Massues a été, comme tous les hôpitaux, directement impacté par l’épidémie de Covid-19. Dès le mois de mars 2020, l’équipe a fait le choix de l’agilité et de la réactivité pour faire face à cette situation et accueillir les patients en toute sécurité. La première vague avait ceci de particulier que toutes les activités non impératives étaient reportées sine die pour se concentrer sur la prise en charge des patients atteints du Covid-19. « Dès le 16 mars, nous avons répondu présents à la demande de l’Agence régionale de santé (ARS) Auvergne-Rhône-Alpes et créé une unité Covid-19 de 24 lits pour faire face à l’augmentation des besoins, tout en respectant les consignes de sécurité très strictes », explique Philippe Orliac, directeur du centre hospitalier. Un travail d’isolement des flux a été réalisé et une équipe dédiée s’est constituée, sur la base du volontariat. « Même s’il y avait des inquiétudes en raison du caractère inédit du virus, du peu de connaissance sur la maladie ou du manque d’équipements de protection individuelle (EPI), le personnel de l’établissement a répondu présent au rendez-vous et nous avons pu prendre en charge de nombreux patients positifs au Covid », ajoute Philippe Orliac. Durant cette première vague, 59 malades ont été accueillis en dix semaines dans l’unité.
Une deuxième vague plus forte
Contrairement à d’autres régions, l’Auvergne-Rhône Alpes a connu une deuxième vague plus forte que la précédente, avec davantage de cas et d’hospitalisations. Après un été un peu plus calme, « sans toutefois revenir à la normale », précise Philippe Orliac, il a fallu se réorganiser pour affronter la reprise de l’épidémie. Une nouvelle unité Covid-19 a été créée au sein du service gériatrie, où des cas s’étaient déclarés.
Cela impliquait de revoir l’organisation du travail, de passer parfois à des journées de 12 heures, « mais l’équipe a tout de suite été partante », témoigne Nathalie Rodriguez, infirmière et responsable de l’unité Covid-19. Elle a sous sa responsabilité une trentaine de personnes, agents de services hospitaliers, aides-soignants et infirmiers. Cinq médecins gériatres sont également pleinement mobilisés au sein du service. « Nous avons accueilli 88 patients en huit semaines, complète Nathalie Rodriguez. Si la mortalité a été légèrement inférieure à celle de la première vague, les situations restaient compliquées, car les séquelles étaient importantes. La plupart des patients sortaient fragilisés, dénutris, avec des problèmes respiratoires ou cognitifs. Après le séjour en unité Covid-19, les soins de suite et de réadaptation sont indispensables. Ceux-ci peuvent être prodigués à quelques dizaines de mètres, dans la partie « non Covid » du service de gériatrie. »
Dans ce contexte instable, il faut savoir se réinventer, garder de l’énergie malgré le stress, la fatigue, les moments de doute et de découragement. »
Dans ce contexte instable, il faut savoir se réinventer, garder de l’énergie malgré le stress, la fatigue, les moments de doute et de découragement. « En trente ans de métier, je n’ai jamais vu ça, ajoute Nathalie Rodriguez. Les familles ne peuvent pas voir leurs défunts, il faut même les appeler avant le décès pour préparer les papiers, car la mise en bière doit être faite le plus vite possible… C’est très difficile à expliquer aux proches. » Pour cette mission délicate, Nathalie Rodriguez est en lien permanent avec les assistantes sociales du centre hospitalier : « On fait les choses ensemble, ça aide ». Parallèlement, pour que son équipe tienne le coup, elle a mis en place des « causeries » quotidiennes, des temps de rencontre où les membres de l’équipe se retrouvent de manière informelle et peuvent exprimer ce qu’ils ont sur le cœur, partager des situations difficiles.
Un établissement qui regarde vers l’avenir
« Par rapport au printemps dernier, nous avons aujourd’hui une meilleure connaissance des prises en charge à proposer aux patients, nous ne manquons plus d’EPI, témoigne Philippe Orliac. En revanche, nous sommes confrontés à un manque de ressources humaines paramédicales, notamment d’aides soignants. Cela ne concerne pas uniquement le centre hospitalier des Massues, c’est l’attractivité du métier qui est en jeu. Cependant, quand il manque un maillon de la chaîne de soin, c’est toute notre activité qui est impactée, car tout le monde compte ! »
Trouver un équilibre en dépit de problématiques de personnels, continuer à répondre aux besoins au gré de l’évolution de l’épidémie constituent un défi quotidien. Néanmoins, le directeur de l’établissement regarde vers l’avenir en continuant de déployer le projet médical de l’établissement, adopté en 2019. Celui-ci doit notamment permettre de poursuivre son développement, renforcer son activité de gériatrie et multiplier les collaborations avec les autres acteurs sanitaires de la région. Malgré la crise, plusieurs axes de ce projet ont avancé au cours de ces derniers mois. « C’est notamment le cas des partenariats, comme en témoigne notre action avec l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes et notre implication dans le dispositif régional mis en place pour lutter contre l’épidémie de Covid-19 », détaille Philippe Orliac. Un autre volet du projet médical a lui aussi connu un coup d’accélérateur : la télémédecine. Contrainte de reprogrammer la majorité des rendez-vous durant le premier confinement, l’équipe des Massues a fait évoluer son offre en ligne en mettant en place des modules vidéo de rééducation, en proposant des séances de télé-réadaptation en petits groupes. En trois mois, 350 téléconsultations ont été réalisées. En outre, de nombreux patients ont effectué leur rééducation à domicile, guidés à distance par un professionnel. Si la technologie ne remplace pas la rencontre physique, cette formule se révèle utile pour des personnes confrontées à des difficultés pour se déplacer. « Fort de ces constats, je crois pouvoir dire que nous avons su faire face à une crise totalement inédite tout en poursuivant notre projet médical, souligne Philippe Orliac. En cette année où nous devions célébrer les 60 ans des Massues, je tiens à saluer l’engagement de toutes les équipes au service des patients. »
Une unité Covid-19 au sein du service de gériatrie
« Quand l’épidémie a repris de l’ampleur, en octobre 2020, la décision de créer l’unité Covid-19 au sein du service de gériatrie s’est imposée naturellement, en raison de l’âge moyen des patients externes accueillis, mais aussi parce que certains de nos propres patients avaient contracté le virus. C’était donc cohérent de l’installer ici et, globalement, cette unité fonctionne très bien depuis sa création, grâce à l’engagement exemplaire de toute notre équipe. » En revanche, cette crise sanitaire est compliquée car nous devons nous réadapter en permanence, redéployer les personnels, jongler entre les « lits Covid » et les « lits non-Covid ». De nombreux hôpitaux ont eux aussi créé leur unité Covid-19. Conséquence ? Il manque aujourd’hui des places en gériatrie traditionnelle. Une autre difficulté caractéristique de cette pandémie concerne l’isolement des personnes âgées : on comprend évidemment qu’il est nécessaire de limiter les visites, mais cette situation est très difficile à vivre pour nos patients, pour leurs familles aussi. »
Docteur Lorraine Tedde, médecin gériatre et chef du service gériatrie du centre hospitalier des Massues