Maintenir les distributions alimentaires
Progression dans le chapitre
« Lors du premier confinement, par précaution, nous avons réadapté le dispositif d’aide alimentaire en mettant en place un système de retrait de colis sur rendez-vous du lundi au vendredi. Pour le deuxième, mieux préparés et mieux équipés, nous sommes restés ouverts trois après-midis par semaine, comme avant, avec un objectif : continuer à apporter une aide qui est essentielle pour les publics que nous accueillons. » Laure-Marie Minière, présidente de la délégation territoriale de la Croix-Rouge du Loiret, souligne la pertinence de ce dispositif et la nécessité de le maintenir, malgré une année 2020 si particulière. Les mardis, jeudis et vendredis, entre 13h30 et 16h30, l’équipe accueille chaque fois une trentaine de ménages, qui reçoivent une aide pour 15 jours, avant de revenir. L’inscription est faite sur dossier, après étude de la situation. « Ce sont des personnes qui doivent être soutenues durablement : l’épidémie de Covid-19 est venue aggraver leur situation mais les difficultés étaient déjà là, complète Laure-Marie Minière. En revanche, oui, le nombre de dépannages a augmenté ces derniers mois, et les besoins des personnes en grande précarité ont explosé. »
Circuit anti-gaspillage
Vers midi, en ce vendredi de décembre, les deux camions chargés à la Banque Alimentaire arrivent sur le parking de la délégation territoriale. Rapidement, l’équipe décharge les véhicules, installe les produits au bon endroit dans la grande salle de distribution. Viande, poisson, œufs, fruits, légumes, pain, biscuits, yaourts, fromages, conserves… « Il y a une place déterminée pour chaque type de denrée, une sorte de stand tenu par un membre de l’équipe, explique Martine Melmoux, bénévole référente pour l’aide alimentaire. Cela permet de proposer un circuit et de donner à chacun ce qu’il souhaite, au fur et à mesure, en évitant le gaspillage. » Outre son caractère anti-gaspillage, cette formule a aussi pour objectif de se rapprocher du fonctionnement d’un magasin traditionnel, où les clients choisissent ce dont ils ont envie. « Respecter la dignité des personnes, c’est aussi cela », enchérit Laure-Marie-Minière.
Bien sûr, il faut composer avec le contenu des approvisionnements. « Pour le frais, nous sommes dépendants de ce que nous recevons de la Banque Alimentaire, mais nous essayons au maximum d’équilibrer les paniers, précise ainsi Martine Melmoux. Parallèlement, nous avons un stock de produits ayant une longue date de péremption et le gérons pour varier les propositions. Cependant, même si les personnes repartent les bras chargés, la Croix-Rouge à elle seule ne couvre pas tous leurs besoins alimentaires. » Certains font appel parallèlement à d’autres associations, d’autres se font aider par des proches, bricolent au quotidien… ne mangent pas tous les jours à leur faim.
Jusqu’en mars dernier, je faisais les marchés, les foires. Avec le Covid-19, tout cela s’est arrêté, j’ai mis la clef sous la porte. Dans le même temps, j’ai divorcé, je me suis retrouvé à la rue, sans rien. Alors que j’étais hébergé dans un foyer, on m’a parlé de l’aide alimentaire de la Croix-Rouge française. Je viens ici depuis deux mois. Cela me permet d’avoir de quoi manger, d’être un peu moins stressé, d’essayer de me reconstruire dans de meilleures conditions.
Equipe intergénérationnelle
Demandeurs d’asile, personnes isolées, retraités, étudiants précaires… Les situations sont difficiles. Malgré cela, l’équipe garde le sourire : c’est important pour tout le monde, du côté des organisateurs, comme des visiteurs. Mudi, Alice, Salomé, Sylviane, Othilie, Françoise, Roberte, Gérard, Martine, Michel… Une dizaine de personnes est mobilisée chaque jour d’ouverture du dispositif, représentant tous les âges et toutes les cultures. Anciens bénéficiaires devenus bénévoles, volontaires en service civique, bénévoles de longue date, demandeurs d’asile en attente de réponse… L’équipe est multiculturelle et intergénérationnelle, ce qui contribue à l’atmosphère sympathique qui règne en ces lieux. « Cette convivialité et ces échanges entre nous me plaisent beaucoup, souligne Martine Melmoux. Les jeunes apportent leur enthousiasme, des personnes accompagnées reviennent nous aider quand leur situation s’est améliorée, proposent de servir d’interprètes… C’est gratifiant de voir que notre action est vraiment utile. »
Avant 13h30, une file s’installe à l’extérieur. Chacun attend son tour, l’entrée se faisant au compte-goutte afin de respecter les mesures barrières. Françoise François va les chercher à l’entrée, vérifie leur carte d’inscription, note la date de la prochaine visite et les oriente vers le circuit. Une fois les paniers remplis, il faut tout vider sur une table pour enregistrer les produits dans le logiciel de traçabilité de l’aide alimentaire (AIDA). Les personnes reçues ce jour-là remettent ensuite leurs provisions dans de grands sacs, des caddies ou même des valises à roulettes. « On fait avec ce qu’on a », plaisante l’une d’elles avant de repartir vers la sortie, rassurée de pouvoir prévoir les repas de sa famille pour quelques jours au moins. En ces temps incertains, c’est déjà ça.
Une hygi-boutique pour les produits d’hygiène corporelle et de la maison
Dans les locaux de la Croix-Rouge du Loiret, on trouve aussi une « hygi-boutique » ouverte trois demi-journées par semaine. Elle permet de proposer des produits d’hygiène corporelle et de la maison à prix très réduits : les visiteurs payent 10 % de la valeur totale de leur panier. « C’est une aide non négligeable car ces articles coûtent cher dans les commerces traditionnels, témoigne Yelena, une cliente. Or, ce sont des choses dont on a vraiment besoin, pour prendre soin de soi ou de son domicile. »
Aide alimentaire : Faire face à la hausse des besoins
Avec 734 dispositifs répartis dans tout le pays, la Croix-Rouge française est un acteur important de l’aide alimentaire. Depuis le début de la crise liée à la pandémie de Covid-19, nos équipes constatent une forte augmentation des demandes et adaptent leur fonctionnement pour y répondre efficacement. Explications de Valérie Bettinger, responsable du pôle Aides matérielles et financières de la Croix-Rouge française*.
Quelles conséquences de la crise sanitaire, économique et sociale actuelle observez-vous à travers les dispositifs d’aide alimentaire ?
Nous constatons une forte augmentation de la demande dans nos dispositifs, signe que la situation est préoccupante. Durant le premier confinement, la Croix-Rouge française a enregistré une augmentation de près de 40 % des demandes d’aide alimentaire. À partir de la fin du mois de juin 2020, nous avons observé un « tassement ». Nous estimons actuellement qu’il y a une augmentation d’environ 20 % des demandes. Cependant, il est probable que les besoins vont de nouveau croître dans les prochaines semaines et dans les prochains mois. 90 % de nos structures d’aide alimentaire estiment accueillir de nouveaux publics. Il s’agit principalement de chômeurs, de travailleurs intérimaires ou de travailleurs pauvres, de personnes en situation de grande exclusion, d’étudiants, de travailleurs indépendants et de commerçants. En réponse à cette situation, nous avons notamment débloqué une enveloppe conséquente pour soutenir les étudiants qui ne peuvent plus subvenir à leurs besoins essentiels avec des « petits boulots ».
Quelles sont les différentes aides proposées ?
Notre objectif est d’apporter une aide adaptée à la situation de chacun. L’activité alimentaire peut prendre différentes formes. Dans l’urgence, cela peut être des paniers, des repas chauds, des sandwichs ou des soupes. Hors contexte de crise, l’aide apportée aux personnes en situation de précarité ponctuelle ou structurelle est effectuée au sein de nos 734 unités. Nous avons également des dispositifs itinérants, tels que Croix-Rouge sur roues, pour les territoires les plus isolés. Les bénévoles veillent à fournir des paniers équilibrés au niveau nutritionnel au regard des habitudes alimentaires, de la composition du foyer et des approvisionnements disponibles. Des chèques d’accompagnement personnalisés utilisables en grandes surfaces peuvent être également remis en complément des paniers. En fonction du dispositif, l’aide est soit gratuite, soit proposée en échange d’une participation symbolique ou représentant 10 % de la valeur du panier pour les épiceries sociales, par exemple. L’activité a dû s’adapter au contexte actuel. Les unités d’aide alimentaire ont souvent mis en place un dispositif de rendez-vous pour mieux accueillir le public ou proposé un système de précommande ou de « drive » pour respecter les gestes barrières.
Parallèlement, un accompagnement social est-il possible ?
Généralement, les personnes sont orientées vers nos dispositifs par des travailleurs sociaux. Un accompagnement personnalisé est ensuite proposé par les bénévoles de la Croix-Rouge française, en fonction des difficultés rencontrées, en complémentarité du travail social effectué par ailleurs. Des points d’étape sont régulièrement réalisés afin de suivre l’évolution de la situation du foyer. Cependant, aujourd’hui, tout est un peu bousculé. Les publics accueillis pour la première fois ne connaissent pas le dispositif. On les reçoit, on répond aux demandes urgentes et on les oriente au mieux. La crise est loin d’être terminée et une partie de ces nouveaux publics risque d’avoir besoin de notre soutien sur le long terme. La situation va laisser des traces dans la société: le soutien psychologique des populations fragilisées sera donc renforcé dans nos structures. Nous devons être réactifs et continuer à adapter nos réponses du mieux possible.
* Propos recueillis en novembre 2020.