May 5, 20212
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Sur le terrain
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Poursuivre nos actions de lutte contre l'isolement social

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Il y a d’abord eu les livraisons solidaires au printemps 2020, puis se sont mis en place les appels de convivialité et les visites de courtoisie au domicile des personnes qui le souhaitaient. Une démarche « d’aller vers » plus que jamais essentielle, tandis que la crise liée à la pandémie de Covid-19 perdure. Les équipes de la Croix-Rouge de l’Hérault continuent de développer le dispositif Croix-Rouge chez vous pour lutter contre l’isolement social et proposer de nouvelles formes d’accompagnement.

« Bonjour Madame, c’est Amélie, de la Croix-Rouge française. Est-ce que je vous dérange ? Comment allez-vous depuis la semaine dernière ? » En ce jeudi après-midi, dans les locaux de la délégation territoriale de la Croix-Rouge française de l’Hérault situés à Grabels, une petite équipe enchaîne les coups de fil et les messages sur les répondeurs, consigne les besoins exprimés par les personnes accompagnées dans un tableau de bord, assurent un suivi précis des situations individuelles. Sur la plateforme, Camille Moreno et Amélie Faure, bénévoles engagées dans la mission de lutte contre l’isolement social, initient Marion Foulon et Annabelle Lachal, étudiantes en master 2 de psychologie et stagiaires à la Croix-Rouge française, aux appels de convivialité. Au moins une quinzaine est au programme ce jour-là.

Garder le contact

Réalisés dans le sillage du dispositif Croix-Rouge chez vous, ces appels téléphoniques sont un maillon de la chaîne qui permet de garder le contact avec des personnes en manque de lien social. « En repartant des listes de livraisons solidaires réalisées lors du premier confinement, nous téléphonons à chaque personne pour prendre des nouvelles, voir comment sa situation a évolué, demander si elle souhaite être appelée fréquemment ou si une visite à domicile pourrait lui faire du bien et lui remonter le moral », détaille Camille Moreno. Les appels de convivialité sont donc une première étape, pas toujours facile tant les situations vécues peuvent être douloureuses. « Après m’avoir dit qu’elle n’avait plus de contact avec ses enfants, la dame avec qui j’échangeais a commencé à pleurer, témoigne Marion Foulon, remuée par la détresse de cette femme. Elle préfère être seule et ne souhaite pas qu’on lui rende visite mais, après avoir discuté plusieurs minutes, après l’avoir écoutée, elle m’a dit qu’elle était contente de cette possibilité d’être soutenue par téléphone. Nous avons convenu de la rappeler en début de semaine prochaine. »

Cette mission n'est pas sans lien avec ma formation de psychologue, dans le fait d’écouter, d’apporter du soutien, d’être réactif quand on sent que la personne est en détresse. C’est intéressant de se former à l’écoute par téléphone car, en raison de l’épidémie, de la distanciation, cette pratique va se développer de plus en plus. C’est très enrichissant et permet de se rendre utile.Marion, étudiante en master 2 de psychologie et stagiaire à la délégation territoriale de l’Hérault.

S’inscrire dans la durée

Angoisse, solitude, stress face à la pandémie, à la possibilité d’un nouveau confinement, peur de la maladie, absence de perspective, disparition du lien avec la famille, les amis, les voisins, etc., les personnes contactées sont nombreuses à souffrir au quotidien de cette crise sanitaire, qui est parfois venue s’ajouter à d’autres difficultés. Les causes de dépression se multiplient et engendrent parfois le repli sur soi. « Montrer que cet isolement n’est pas une fatalité est l’un des objectifs de notre action, précise Amélie Faure. Notre mission doit s’inscrire dans la durée : des liens se créent avec le temps, une relation de confiance s’instaure. C’est pour cela aussi que nous proposons de rendre visite à celles et ceux qui le souhaitent. »

Des visites précieuses pour les personnes seules

Nous accompagnons l’équipe de Grabels au domicile de deux personnes ce jour-là. Camille et Amélie ont rendez-vous dans le centre de Montpellier. Michelle va bientôt fêter ses 79 ans et, en dehors de la visite de son fils chaque dimanche, trouve le temps long, très long. « J’aime lire, écouter de la musique, ranger mon appartement, raconte-t-elle. Je ne suis pas la plus à plaindre, loin de là, mais la visite de la Croix-Rouge ce matin me fait vraiment du bien car je peux échanger avec d’autres personnes. Je me sens exister, je ne suis pas ignorée. » Pendant 45 minutes, les deux bénévoles l’écoutent, répondent à ses questions, identifient ses besoins éventuels pour des trajets, des promenades. En effet, outre les appels et les visites à domicile, l’un des futurs objectifs de Croix-Rouge chez vous est de proposer différents services de proximité, comme accompagner la personne à un rendez-vous ou à des activités de loisirs. Cette expérimentation se poursuivra jusqu’à l’été prochain, parallèlement à la sensibilisation des unités locales sur ces nouvelles actions et à un travail de veille mené en lien avec les centres communaux d’action sociale (CCAS). Mais il faudra bien sûr s’adapter à l’évolution du contexte sanitaire.

En attendant, Camille et Amélie poursuivent leur tournée. Elles quittent le domicile de Michelle pour aller voir Anouk, une dame de 51 ans qui n’a pas hésité longtemps quand la visite lui a été proposée par téléphone. « Je suis assez réservée et je n’aime pas trop parler dans une machine, dit-elle. Même en portant le masque, je préfère voir les gens en vrai. » Bien que discrète, Anouk ne cache pas son plaisir de pouvoir parler de son quotidien, d’avoir des personnes en face d’elle. « C’est tellement rare en ce moment », soupire-t-elle. Alors, c’est entendu, des bénévoles reviendront la semaine suivante pour une seconde visite, en présentiel.

Je passe le plus clair de mon temps dans mon appartement, seule. Alors j’e suis très contente de recevoir la visite des bénévoles de la Croix-Rouge française car j’avais envie de discuter avec des gens, tout simplement. Anouk, habitante de Montpellier

Croix-Rouge chez vous, un maillon essentiel de la solidarité

Lancé le 20 mars 2020 au niveau national, le dispositif Croix-Rouge chez vous est devenu en quelques semaines le dispositif​ de référence de lutte contre l’isolement social aux yeux du gouvernement. Croix-Rouge chez vous​ (CRCV) s’adresse en effet à des personnes isolées et non accompagnées​,​ sous forme de soutien psychologique et matériel permettant d’assurer des missions de conciergerie solidaire à domicile, de visites et d’appels téléphoniques. Le dispositif n’a cessé d’évoluer et de se professionnaliser au gré de la crise sanitaire, et il sera probablement pérennisé. Bilan et perspectives par Marie Alméras, responsable de Croix-Rouge chez vous au sein de la direction déléguée à l’innovation et à la transformation.

Plateforme d'appels de Grabels (34)

Comment a évolué CRCV depuis le premier confinement, en mars 2020 ?

Le premier confinement a eu trois conséquences majeures, à l’origine de la montée en charge massive du dispositif. Tout d’abord, on a assisté à une rupture importante​ des services et dispositifs d’accompagnement des​ personnes. Ensuite, la situation économique de la France s’est nettement détériorée et a entraîné un phénomène de précarisation d’une partie de la population. Avec lui, un sentiment d’angoisse et d’inquiétude lié à la solitude ou l’isolement a grandi et s’est installé. A partir du second confinement, les besoins en soutien psychologique ont fortement pris le dessus sur les besoins matériels. C’est à ce moment-là que nous avons mis en place les appels et les visites de convivialité sur une large partie du territoire.

Comment expliquez-vous le succès de Croix-Rouge chez vous ?

Je crois que ce dispositif a contribué à mettre en lumière une problématique sociale majeure, celle de l’isolement social et de la solitude qui touche plus de 5​,4 millions de personnes en France et à laquelle de nouvelles réponses doivent être apportées. D’après les études que nous avons menées à différents moments de la crise liée au Covid-19, 80 % des personnes nous ayant contacté vivent seules et 20 % d’entre elles n’ont aucun réseau relationnel (famille, amis, entourage ou réseau communautaire). Ce sont en grande majorité des femmes (près de 75 %) et des personnes à la retraite (48 %) qui se retrouvent isolées, soit pour des raisons de santé, soit parce qu’elles n’ont pas de moyen de transport (5 %) ou sont des aidants familiaux et ne peuvent donc pas quitter leur domicile (10 %). Notre démarche d’« aller vers » ces populations est donc essentielle et a montré toute sa pertinence au cours de ces derniers mois. Le dispositif a d’ailleurs suscité une mobilisation extraordinaire de notre réseau. Plus de 12 000 bénévoles se sont engagés dans ce projet depuis mars 2020 ! Leur engagement, leur bienveillance, leurs initiatives ont largement contribué au succès de CRCV.

Quelle suite envisagez-vous ?

CRCV dans sa formule actuelle restera opérationnel tant que cette crise ne sera pas terminée. Il va notamment être un maillon important dans la campagne nationale de vaccination, dans la mesure où il permet de repérer, d’informer et d’orienter des publics isolés ou vulnérables. Parallèlement, nous réfléchissons à l’évolution future du dispositif, au-delà de la crise que nous traversons. Deux expérimentations sont menées depuis novembre dernier sur deux territoires pilotes, l’Hérault et les Hauts-de-Seine, pour tester un « modèle » de plateforme de services de proximité Croix-Rouge chez vous,​​ en lien avec d’autres acteurs clés. Plusieurs objectifs stratégiques ont été fixés :

  • élaborer et tester la pertinence des réponses à l’isolement social et à la solitude,
  • valoriser le tissu associatif et organisationnel des territoires,
  • mettre en place une plateforme opérationnelle inter-acteurs pour proposer aux personnes accompagnées des parcours coordonnés afin de rompre leur situation d’isolement.

Les résultats de cette expérimentation seront connus à l’été 2021.