June 24, 20201
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Sur le terrain
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A Lille, un centre d'hébergement spécialisé pour les personnes sans-abri

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Progression dans le chapitre

Dans les Hauts-de-France, la Croix-Rouge française a été mandatée par les services de l'Etat pour offrir un accueil aux personnes malades du Covid-19 qui ne disposent pas de logement où se confiner et dont l’état de santé ne nécessite pas d’hospitalisation. Quatre centres d’hébergement spécialisés ont donc été créés pour répondre à cette demande : à Chamouille (02), à Morbecque (59), à Lille (59) et à Amiens (80), pour un total de 307 places. Décryptage du dispositif avec le centre d’hébergement spécialisé de Lille.

Le centre d’hébergement spécialisé (CHS) de Lille a ouvert ses portes au début du mois d’avril. Situé dans des bâtiments qui appartiennent au diocèse, doté d’un jardin intérieur qui a permis aux résidents de prendre l’air en toute sécurité, il a accueilli une trentaine de personnes durant la crise. « Tout a été pensé, aménagé spécialement, avec une zone chaude, une zone froide et un sas pour passer du matériel ou des denrées entre les deux. Ce sas permet aussi au personnel de mettre les équipements de protection individuelle (EPI) et de les retirer en toute sécurité », raconte René Lelong, directeur du centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) de Valenciennes et responsable de ce CHS. L’objectif était de pouvoir accueillir les personnes dans les meilleures conditions sanitaires possibles, de leur proposer un lieu pour guérir et retrouver des forces, sans avoir à affronter la dureté de la rue. En outre, isoler et prendre soin des personnes sans-abri atteintes du Covid-19 était indispensable pour contribuer à limiter la propagation du virus puisque les hébergements se trouvaient en difficulté pour confiner les résidents.

 

Chambre et sanitaires individuels, repas apportés en chambre, promenades, passage régulier des membres de l’équipe habilités à aller en zone chaude… Une fois arrivés au CHS, les résidents étaient pris en charge et accompagnés par les infirmières, les volontaires et les bénévoles. Trois infirmières étaient ainsi très présentes pour prendre les constantes plusieurs fois par jour, apporter les traitements, faire le lien avec les médecins, gérer les rendez-vous, s’assurer du bon état de santé général des personnes… Mais aussi pour les écouter, les rassurer, répondre à leurs questions. Les personnes accueillies sont déjà fragilisées, ont des parcours de vie compliqués. Un jour par semaine, une psychologue venait compléter cet accompagnement.

 

Se protéger et protéger les autres

 

En zone froide, les volontaires – comme Laurent Buffels – et les bénévoles – comme Bruno Delorme – mettaient tout en œuvre pour organiser les repas, les loisirs, et faire en sorte que tout parvienne en temps et en heure en zone chaude. « Le CHS reçoit un public en grande précarité et nous avons affaire à des adultes, qui ont l’habitude d’être libres. Le confinement est une contrainte particulièrement difficile à gérer pour eux, complète René Lelong. Nous avons fait face à des situations de manques dues aux addictions, avec l’aide de médecins, et des personnes accueillies ont réussi à diminuer leur consommation d’alcool pendant leur séjour au CHS. Cependant, si certains avaient envie d’une bière, de cigarettes, on allait leur en chercher : mieux vaut qu’ils aient ce qu’il leur faut ici plutôt qu’ils sortent en acheter et risquent de se mettre en danger, eux ou les autres. » Si le CHS était doté de 43 places, il a reçu en tout une trentaine de personnes, pour une durée de séjour de deux semaines environ. Jean, un jeune homme de 29 ans originaire du Rwanda, vivait dans un foyer lorsqu’il a contracté le virus. Dès que les symptômes ont fait leur apparition, il a été accompagné par le samu social au CHS de Lille, où il a pu avoir sa propre chambre, se poser, se reposer. « C’était très important pour moi de venir au CHS car il ne fallait surtout pas que je contamine les résidents du foyer », raconte-t-il, plus soucieux de préserver la santé des autres que la sienne. Aujourd’hui, après avoir passé deux semaines au calme, il est guéri et reprend le cours de sa vie.

 

 

Photo : Pascal Bachelet
Photo : Pascal Bachelet
Photo : Pascal Bachelet
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Photo : Pascal Bachelet
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Photo : Pascal Bachelet
Photo : Pascal Bachelet
Photo : Pascal Bachelet
Photo : Pascal Bachelet
Photo : Pascal Bachelet
Les personnes accueillies au CHS de Lille vivent à la rue ou dans des foyers, ont été testées positives au Covid-19 ou en présentent les symptômes. Travailler avec la Croix-Rouge au CHS a été une expérience très riche car cela m’a permis de découvrir un autre milieu que l’hôpital, tout en me sentant vraiment utile. Le public hébergé au CHS est très fragilisé, encore plus avec la crise sanitaire que nous traversons. Dès lors, c’est tout simplement notre rôle d’être présents à leurs côtés, sur le terrain. En tant qu’infirmière, on préparait les médicaments, on les distribuait, prenait la tension, la température… Il nous arrivait aussi de faire de petits soins infirmiers (injections, pansements), mais également d’apporter les repas en chambre ou de faire le lien avec les médecins. Même si nul ne peut se réjouir de cette crise, j’ai été heureuse de pouvoir contribuer à aider ces résidents, aux côtés des équipes de la Croix-Rouge et du CHS de Lille. Caroline Olivier, infirmière
Habituellement, je suis aide médico-psychologique (AMP) à l’Institut médico-éducatif (IME) de Saint-Jans-Cappel, établissement qui accueille des enfants atteints de troubles du spectre de l’autisme. Mais avec le confinement, il a tout de suite fermé ses portes. Quand la directrice de l’IME m’a demandé si je souhaitais me porter volontaire pour travailler au CHS de Lille, j’ai d’abord hésité car ma femme est diabétique et fait partie des personnes fragiles. Mais après avoir vu le fonctionnent du CHS, j’ai été rassuré car j’avais la possibilité de ne travailler qu’en zone froide, tout en effectuant des missions vraiment utiles. Préparation des repas, nettoyage, désinfection, petites courses… Je gérais ce qui se passait en zone froide pour faciliter les choses en zone chaude. Même sans être en contact direct avec les résidents, j’ai eu le sentiment d’être utile pendant cette crise, de contribuer à prendre soin de personnes qui manquent de tout. Laurent Buffels, aide médico-psychologique