Plus qu’un hôtel, un lieu de vie
Progression dans le chapitre
Au soir du 10 mars, vingt personnes sont arrivées par leurs propres moyens, en sautant dans un train ou un bus, avec un seul objectif : quitter l’enfer et se mettre à l’abri.
Maria* et ses deux enfants n’ont pas trouvé d’hébergement en Pologne. Alors ils ont sauté dans la voiture d’un Français venu proposer son aide aux Ukrainiens. Ensemble, ils ont rallié Marseille pour ensuite rejoindre des proches près de Perpignan. D’autres veulent se rendre en Espagne ou au Portugal. Certains ne savent tout simplement pas où aller et n’ont aucun projet en tête, tant ils sont partis en hâte.
Comme cette famille, ils sont des dizaines depuis à être hébergés dans cet hôtel géré par des salariés de la Croix-Rouge. A leur arrivée, les équipes les accueillent, leur montrent leurs chambres, expliquent comment se connecter à Internet et utiliser la WI-FI. Car c’est là leur priorité absolue, joindre leurs proches restés au pays, prendre des nouvelles. Tous sont d’ailleurs suspendus à leur téléphone et aux chaînes d’information continue. Des traductrices sont là pour faciliter la communication.
Quel que soit le temps qu’ils restent, un accompagnement social et médical est proposé : une cellule de soutien psychologique, une antenne de dépistage du Covid-19, des consultations médicales…
Ces personnes sont à bout, elles ont juste besoin de repos et de confort après ce qu'elles ont enduré.
Bénévoles et salariés œuvrent côte à côte pour répondre aux besoins, et en particulier apporter du réconfort à ces familles épuisées. Maxime Mery, responsable de l’engagement à la direction régionale de la Croix-Rouge française, en témoigne : “Les yeux sont rouges, à force d’avoir pleuré. On y lit une énorme détresse. Ces personnes sont à bout, elles ont juste besoin de repos et de confort après ce qu’elles ont enduré.” Plus qu’un hôtel, Maxime Mery souhaite créer ici un lieu de vie collectif, où elles se sentent bien. Les enfants, par exemple, peuvent se retrouver dans la salle de jeu pour se distraire, “mais ils ont du mal à se séparer de leur mère”, confie-t-il.
Les volontaires gèrent la situation au jour le jour, d’heure en heure même, au gré des besoins, des arrivées. A Marseille, comme dans nos autres centres d’hébergement, tout est mis en œuvre pour redonner un peu de normalité et de baume au cœur à ces familles qui ont tout laissé derrière elles.
*Le prénom a été changé
"La charge émotionnelle est très forte pour nous aussi"
« Les familles arrivant ici, souvent en grande détresse et exténuées. Ce qu’elles veulent avant tout c’est se poser et se reposer, explique Mariam Sidibe, coordinatrice du dispositif d’hébergement. La parole est rare durant les premières heures, puis elle se libère. Plus que la guerre, ce sont les conséquences de la guerre sur leur existence qui s’expriment. Quitter leur maison, toute leur vie en si peu de temps… Tout a été si brutal ! Quand les mots ne viennent pas, une cellule de soutien psychologique de la cellule d’urgence médico-psychologique est présente sur site deux jours par semaine, avec des interprètes, pour faciliter l’expression.
La charge émotionnelle est très forte pour nous aussi, c’est pourquoi nous organisons régulièrement des temps d’échanges et de debrief en équipes. Nous sommes onze salariés engagés sur cette mission, épaulés par des bénévoles qui se relaient. Ils nous soutiennent énormément. Certains jouent les interprètes, d’autres distribuent les repas, installent les personnes dans leur chambre, réparent une ampoule, apportent des produits d’hygiène, du linge, des vêtements… Bref, tout le monde a envie d’aider !
Je suis fière de participer à cette mission, de la façon dont on accompagne ces personnes. Je tends la main comme on me l’a tendue, moi qui suis d’origine malienne. On devrait toujours accueillir les personnes avec la même humanité. Ça permet de réconcilier le monde. Après cette crise, on ne pourra plus faire moins ! En tout cas, c’est mon espoir. »