July 1, 20221
2
En France : accueillir et apaiser
2mn
Non lu

Garder le contact malgré la séparation

2mn
Non lu
Maintenir le lien entre les membres d’une même famille malgré les combats qui font rage et l’exil vers d’autres pays. Écouter les témoignages des familles sans nouvelles de leurs proches depuis des semaines. Rechercher les personnes disparues au cours du conflit. Recenser tous les éléments qui permettront d’identifier les dépouilles, le moment venu... Telles sont les missions du Rétablissement des liens familiaux (RLF), un mandat unique et historique de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. En France et en Hongrie, Théo, Juliette et Emilie témoignent de leur action quotidienne pour apporter une réponse à la souffrance des familles.

Paris, Juliette Vallée-Guillard, officière de recherche RLF aux services centraux de la Croix-Rouge française

Depuis le début du conflit en Ukraine, Juliette est le point d’entrée pour toutes les demandes de recherches émanant de personnes arrivées en France qui n’ont plus de nouvelles de leurs proches et vivent dans l’angoisse de ne pas savoir ce qui leur est arrivé.

 

“ Les personnes qui ont fui la guerre et qui font appel à nous ont, dans la grande majorité des cas, perdu le contact avec leurs aînés restés en Ukraine, par choix ou par nécessité. Aux premières heures du conflit, certains de leurs parents ou de leurs grands-parents ont hésité à partir avant de décider finalement de rester, espérant encore une issue positive et rapide. D’autres, à cause de problèmes de santé, se sont vus dans l’obligation de poursuivre leur traitement médical sur place, ne pouvant se permettre un voyage long et éprouvant impliquant d’arrêter leurs soins. Aujourd’hui, la perte de contact entre les familles qui ont pu rejoindre la France et celles restées au pays est totale, car les communications sont coupées depuis plusieurs semaines dans les zones de combats du sud et de l’est, ainsi qu’à Kyiv et Marioupol, dont sont originaires ces personnes.

Nous gérons actuellement 45 demandes de recherches avec mes collègues Alison et Paola qui sont désormais uniquement dédiées à l’Ukraine*. C’est pour nous une priorité absolue, étant donné la situation d’urgence humanitaire dans laquelle sont plongées ces familles déplacées. Les gens nous contactent en direct ou sont orientés vers nous par l’un des nos 10 bureaux en région. Chaque demande débute par un entretien, en présentiel lorsque c’est possible, sinon en visioconférence. La personne remplit d’abord un formulaire qui détaille son identité et celle du proche recherché, ainsi que les circonstances de la perte de contact. Puis, surtout, elle nous raconte son histoire.

Certaines des personnes que nous accompagnons sont dans une profonde détresse émotionnelle, au vu des traumatismes qu’elles ont subis. Au-delà des démarches de recherches en tant que telles, nous leur apportons aussi un soutien psychosocial et maintenons le lien, en les appelant régulièrement. Nous essayons de les préparer au fait que la démarche sera longue, qu’elle s’inscrira sur des mois, voire des années, car ce conflit rend les recherches sur le territoire ukrainien très difficiles. Mais il est important de démarrer la procédure. Pour être prêts le moment venu.”

 

Debrecen (Hongrie), Emilie Rammaert, déléguée au RLF

Envoyée en mission en Hongrie à la mi-mars, Emilie Rammaert est déléguée au Rétablissement des liens familiaux. Sous l’égide du CICR dont c’est le mandat historique. Elle coordonne les différentes équipes de volontaires, en Ukraine et dans les pays frontaliers.

 

“Je suis actuellement à Debrecen en Hongrie. Mon rôle est d’organiser et de coordonner les demandes de recherches qui nous sont remontées par nos collègues du CICR, en Ukraine et dans les pays frontaliers. Ce conflit est très spécifique parce qu’il donne lieu à un exode massif des populations. Hors d’Ukraine, des personnes décèdent parfois sur le chemin de l’exil. Dans ces situations aussi, il est important de pouvoir informer les familles, dire ce qui est arrivé. Les demandes de recherches se multiplient, on est aujourd’hui à plus de 1 000 dossiers* et leur nombre ne fait qu’augmenter. On est là pour répondre à l’angoisse des familles, pour leur apporter une écoute, une réponse, quelle qu’elle soit. On le sait, beaucoup de civils sont tués en Ukraine.

Sur place, la priorité des habitants est de respecter la dignité des personnes décédées, de leur donner une sépulture. Ils nous envoient des photos de tombes, de fosses communes, comme autant de preuves pour ne pas oublier. Mes collègues font un énorme travail de collecte de données, sur le terrain lorsque c’est possible, mais également sur les réseaux sociaux. Ils compilent des preuves, rassemblent des photos pour faciliter ensuite le travail d’identification des médecins légistes et permettre aux familles de connaître le sort du disparu, le lieu où il a été enterré.

Le périmètre de notre mission s’étend aussi aux personnes détenues. Nous rendons visite  aux civils ou militaires en prison pour nous assurer qu’ils vont bien et donner de leurs nouvelles à leurs proches. Car je rappelle que nous venons en aide à toutes les personnes qui souffrent, sans faire de distinction entre les ressortissants des différents camps. C’est cette neutralité, parfois mal comprise, qui est pourtant indispensable pour accéder aux personnes détenues et les aider. Le travail est colossal, la mission très intense. Je suis impressionnée par l’engagement sans faille de mes collègues du CICR sur le terrain. C’est un travail de longue haleine mais nous sommes bien souvent le seul espoir de ces familles qui comptent sur nous. ”

Mon objectif c’est vraiment d’aider à garder le lien avec ses proches systématiquement, et ce dès notre accueil en gare. On fait beaucoup de sensibilisation sur la façon de minimiser le risque de perte de contact avec ses proches lorsqu’on entreprend un voyage long et difficile et que l’on traverse parfois plusieurs pays. On a aussi un QR code spécial pour donner du forfait mobile aux personnes qui le demandent - à raison de 10 minutes chacune.Théo Gaglione, responsable du bureau RLF de Paris